Mon Tonio, dit Toto.

Des lévriers, il n'y en a pas seulement dans les associations spécialisées, mais parfois dans les refuges ... allez-y.
C'est comme ça que j'ai adopté Tonio, en plein été, sous une chaleur écrasante, dans un box surpeuplé.
C'était en Juillet 2004.
Il était sensé avoir trois ans, on ne devait pas être loin de la vérité, il avait peut être un ou deux ans de plus...peu importe.

Il n'avait pas la force de tenir sa tête, sa peau portait les stigmates de dizaines et dizaines de morsures, et de graves déchirures: des reins au jarret, au ventre, à la gorge, toutes faites par une "mâchoire large" et recousues à grand points. No comment.
Et il était squelettique. Il manquait un tiers de sa queue.
Il avait dû se réfugier en hauteur: ses pieds ont été chopés par des chiens à sa poursuite, ils étaient en charpie...
Trouvé sur un bord de route dans cet état.
Pour faire court, je l'ai adopté pour le remettre en bonne santé, parce que c'était un cas extrême: il n'était pas sensé rester à la maison, je n'avais pas fait le projet d'un troisième whippet. .
Ni tatoué, ni médaillé, j'ai cherché qui pouvaient être ses maîtres...jamais trouvé . Et je dois dire que personne ne l'a cherché.

Mais il a été adopté par Papillon et Tiphaine, mes deux autres whippets. Prés d'eux il a trouvé son équilibre, la paix, l'affection, sa famille, nécessaires pour sortir de son traumatisme..
Sa première nuit, il l'a passé dans mes bras comme un bébé. Il a "fait sa nuit" comme on dit. Mon Dieu comme il puait en dépit du shampoing...mais je l'ai gardé contre moi...car c'est son stress qui le faisait puer...
Il m'a toujours regardée comme la Madonne !
Alors je l'ai gardé bien sûr.

Et deux mois plus tard, c'était un miracle: il était magnifique ! Son poil était beige rosé...une merveille...

Tonio avait une peur viscérale de tous les chiens qui n'étaient pas des lévriers à poil ras ! Autant dire ...de tous ! Les autres lui faisaient si peur qu'il faisait des hémorragies intestinales quand on en croisait un et il ne se maîtrisait plus, il mordait tout ce (et ceux) qui se trouvaient là. C'était du pur réflexe, il n'y avait pas une once d'agressivité là dedans. On aurait dit qu'il était fou.
J'en ai pleuré, en me disant "j'en prend encore pour au moins 12 ans !". Je me suis fait aider par une véto comportementaliste.

Mon Tonio, je l'ai pourtant aimé tout de suite. Il a tout de suite été MON chien.
Je serais devenue une lionne pour le défendre contre tous.
Il était d'une intelligence foudroyante, il analysait les situations à la seconde, comme parait-il, tous les chiens qui ont vécu des situations de grand danger.
Autant il était une boule d'inquiétude dehors, autant à la maison c'était un clown. Mais un clown ! Que de fou rires avec lui !
Oh mon Toto...
Mon Toto D'Amour: c'est le plus bel affixe que tu pouvais recevoir.

Pendant sa première année et demie avec moi, il cherchait sa maîtresse...car je suis sûre que c'était une maîtresse. Tonio était en alerte dés qu'il entendait des talons aiguille, dés qu'il croisait une blonde platine (c'était la mode à l'époque !). Il était en alerte dés qu'il entendait le moteur d'une Fiat Uno. Un jour alors que nous traversions sur un passage piéton il a fait demi tour, s'est mis debout devant la porte d'une Fiat Uno pour voir QUI était au volant. Quand je le sortais au square, il suivait des yeux exclusivement les Fiat Uno !

Ca duré un an et demi, et il en a été de même pour tous mes adoptés: Oslo a cherché les enfants un an et demi, pareil pour Pilouche. Après quoi ils renoncent, ou s'en fichent. C'est drôle...

Tonio a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans (environ). Il n'a jamais été malade. Il a perdu un peu le moral quand sa vue a trop diminué, ça oui.
Mais du jour où Papillon, mon autre whippet qui l'avait materné, est mort de vieillesse, Tonio a refusé de manger.
Totalement et définitivement.
Nous avons TOUT tenté mes vétos et moi, mais Toto a rejoint Papillon un mois plus tard.

Tonio m'a donné une force incroyable: je n'ai jamais eu peur d'adopter...et j'ai même adopté un quatrième whippet, un an exactement après lui !
C'était Oslo, et c'est une autre histoire.

Grâce à Tonio je SAIS que le plus moche des whippets, le plus puant, le plus ingrat, le plus incompréhensible, le plus rejeté, est un trésor.
UN TRESOR. UN TRESOR !

Tonio le jour de son adoption...





Tonio deux mois plus tard, beau comme une statue !



Tonio materné par Papillon, de jour comme de nuit.



Mon Tonio...



Tonio et Papillon, complices jusque dans l'éternité.

Quelle belle histoire, elle me bouleverse... et tu la racontes si bien...
Je me dis qu'il manque un petit morceau à l'humanité des gens qui n'aiment pas les animaux comme on les aime, qui ne les respecte pas comme on les respecte. ils se sentiraient tellement mieux s'ils retrouvaient "ce petit morceau" manquant. bref...
Est-ce que Tonio était ce que l'on nomme un "trauma ?"

Quelle heureuse rencontre entre toi et Tonio ...De l'enfer au paradis ...un merveilleux whippet ...c'est fou cette grande faculté de résilience des animaux victimes de la cruauté des hommes ...

Je ne connais pas la définition exacte d'un "trauma", mais dans la mesure où toute sa vie a été hantée par la peur des autres chiens, au point qu'il faisait des hémorragies à chaque fois qu'il devait en croiser un de trop prés...j'ai toujours dit qu'il était traumatisé.

Ensuite, le connaissant bien, je savais évaluer son degré de peur, je donnais les médocs par anticipation ( médocs que nous avions sélectionnés avec mon véto comme étant les plus anodins possibles, et pouvant palier à un cas "chronique", sur le long terme).
Le trauma était uniquement psychologique chez lui.
Physiquement c'était une force de la Nature.
C'est incroyable, mais en dépit de ses plaies profondes recousues à grand points, surtout celle qui partait des reins jusqu'au jarret, il n'a jamais eu aucune douleur musculaire ou squelettique.
La plaie au ventre n'avait même pas été recousue, elle était si moche que mon véto l'avait réouverte pour faire des prélèvements dedans, à la recherche de vermine ! Il faut dire que les conditions d'hygiène dans un box de refuge surpeuplé, en plein été avec des mouches partout, ça n'est pas idéal...

Oui, Toto était une force de la Nature.
J'étais allée le chercher avec mes deux autres whippets, car je voulais savoir s'il s'entendrait avec eux, et ça a été le cas.
Tandis que la secrétaire faisait les papiers, alors qu'il ne tenait pas sa tête, Toto a rassemblé toutes ses forces, il a tiré sur sa laisse, et je l'ai suivi. Il avait l'air de savoir où il voulait aller...il m'a menée jusqu'à la "cuisine" du refuge et a gratté un sac de croquettes. Il crevait de faim littéralement ! Là aussi, dans un box surpeuplé, les chiens ne partagent pas en "bons camarades" ! On lui a donné à manger.
Ensuite, il a rassemblé ses forces pour un dernier effort: nous partions, j'ai ouvert le haillon arrière de la voiture, il a sauté avant mes chiens sans attendre qu'on le porte, il est passé sur le fauteuil passager, puis par terre, il s'est écroulé et n'a plus bougé.

Je me suis arrêtée en route pour le prendre en photo (celles que j'ai montré).
A la maison il s'est écroulé dans un couffin, Papillon l'a léché entièrement, Tonio était trempé comme un poussin qui sort de l'œuf ! Papillon se levait la nuit pour lui lécher le ventre quand il gargouillait...une vraie petite mère. Il dormait contre lui entremêlant ses pattes avec les siennes comme sur la photo ! J'en ai un plein album ! Et Tonio s'abandonnait complètement avec un regard apaisé...
Ma chienne était plus distante.

Bref, Tonio a repris du poil de la bête assez vite dans ce contexte.

Un an après, Oslo, adopté également dans un refuge, a été un cas beaucoup plus long à soigner.
C'était un chien déprimé, qui somatisait, et qui a toujours traîné des problèmes de santé, je ne sais même pas s'il a été heureux finalement.
Alors que Tonio lui, avait un amour de la vie chevillé au corps, il ne pensait qu'à rigoler du réveil au coucher !

Pauvre Oslo, lui aussi a été mon amour.
J'en parlerai dans un autre post.

Tu sais Marie Anne, Tonio n'a pas été victime de la cruauté de hommes. Il avait au contraire une confiance absolue dans le genre humain...une adoration pour nous tous.
Ce sont ses congénères dont il avait peur...

Mais je comprends pourquoi tu dis cela: parce que personne ne l'a cherché, et parce que des crétins ont probablement dressé des chiens "à large mâchoires", à se lancer sur lui...

Mais, ça, Dieu merci, mon Toto ne l'a jamais su.
Pour lui, les humains étaient tous des bienfaiteurs ! Et moi alors...il me regardait telle "la Madonne" comme les gens me disaient ! Il avait un beau regard clair....

Comme quoi, l'amour peut rendre à un chien toute sa beauté. C'est auprès de Papillon que ton beau Tonio a retrouvé un équilibre. Il te regardait comme la Madone, dis-tu ? Il avait raison tu sais, tu as vraiment un petit côté Saint François d'Assise, Michèle. Si au moins le monde était peuplé de beaucoup de personnes comme toi, que la vie serait facile. Hélas, nous rencontrons plus de Lucifer que d'Ange...

Pour clore avec Tonio...(des photos de photos, car c'est tout ce que j'avais à l'époque !).

Son inoubliable regard clair...



Le soir de son arrivée à la maison, épuisé.



Avec Papillon environ un mois plus tard...

Magnifique la dernière photo, Michèle : cette complicité, cette douceur dans le regard...

Je viens de retrouver des notes que j'avais prises sur Tonio...une sorte de "carnet de bord".

Avant le traitement doux qu'il a eu pour tout le reste de sa vie, il a quand même fallu un traitement médical "de choc" ( parallèlement au travail de comportement), pour sauver Tonio de sa phobie, de ses paniques, et de ses douloureuses hémorragies intestinales...

Ainsi, il avait été six mois sous Prozac, sas de sevrage compris !

Nous avions ensuite mis au point un traitement pour son équilibre nerveux et hépatique, car au début, les analyses n'étaient pas terribles. En cas de crise nerveuse, il bavait et rotait beaucoup le pauvre...

Quelle pente il a remonté ce chien...

Quelle histoire.. une vraie renaissance, rien de moins.
On ne peut que deviner tout le travail et l'investissement que cette renaissance vous a demandé à tous. Quel beau travail d'équipe et quelle belle histoire de sauvetage d'un loulou dont la vie ne tenait plus qu'à un fil. Tu as su le saisir et lui retricoter toute une vie remplie de bonheur et de quiétude.

Il parait qu'on ne voit bien qu'avec le coeur, quand tu racontes tes loulous tu es bouleversante de vérité et d'amour.. c'est tout simplement beau et totalement émouvant.

Quel parcours tragique et magnifique à la fois, te rencontrer aura été pour lui une bénédiction, je pleurais en te lisant, en imaginant le jour ou tu l'as vu pour la première fois, toutes ces blessures, cet épuisement, il fallait un beau cœur comme le sien et une âme comme la tienne pour que le monde s'éclaire de nouveau et vous l'avez fait ce miracle tous les deux... non tous les trois avec son autre amie de cœur, celle qui lui donna aussi tant de réconfort et de douceur tout au long de sa vie ... Papillon.
Ces bouts de chemin marquent à jamais...